En 1974 quelques personnes travaillaient en catimini sur la Golf pour la faire passer en mode sport. Trois de ces protagonistes nous parlent de cette période stressante mais passionnante. Le succès de la GTI n’était pas garanti. Le responsable presse Anton Konrad,coordinateur de ces opérations secrètes, Herbert Schuster responsable des essais et le Dr. Werner P.Schmidt responsable des ventes nous dévoilent les dessous de ce projet.

Anton Konrad

Alfons Löwenberg, dans un premier temps, avait poussé le postulat  »sport-auto » de VW un peu trop loin.

Oui, son projet ne correspondait pas à un véhicule qui aurait eu des chances d’être produit en série. Avec un châssis rabaissé de 10 cm, une grosse sortie d’échappement, un embrayage type course, on savait, 10 minutes avant, quand Löwenberg allait arriver à l’usine. Cette voiture n’était pas faite pour un conducteur lambda.

Cependant quelques uns pensaient qu’une telle auto avait du potentiel et décidèrent d’en poursuivre le développement,secrètement. Pourquoi?

Personne n’a osé le faire officiellement car nous pensions avoir trop d’opposants. En réalité la crise pétrolière, l’échec de la version sportive de la Coccinelle étaient encore présents dans tous les esprits.

Une Coccinelle 1303 sport avait provoqué un levé de bouclier dans l’opinion public et des débats houleux au parlement allemand.

C’est exact, mais c’était très exagéré.Il existait toujours des gens intéressés par les sportives. Avec une compact dotée d’un moteur puissant nous étions persuadés d’avoir un bon concept.

Une idée géniale.

Evidemment. mais on redoutait toujours des animosités et des réactions du genre:  »une auto si légère avec tellement de puissance »!

Mais la Golf et la Coccinelle étaient différentes ?

Oui, mais il nous fallait rétablir la confiance auprès des dirigeants. Beaucoup avait encore en tête le décret de Heinrich Nordhoff:  »No Sports ».Nordhoff avait travaillé pour GM et les Américains ne voulaient plus de voitures sportives. Aux USA

Volkswagen avait fort à faire avec Ralph Nader, avocat d’une association de consommateurs. Dans son livre »unsafe at any speed » il dénonçait avec virulence la dangerosité des voitures à moteur arrière.

La campagne orchestrée par Nader et les accidents de la Coccinelle aux USA avaient engendré des paiements de dédommagement importants pour VW.

A Wolfsburg on pensait que la Coccinelle était devenue trop puissante. La puissance était devenue tabou. C’est pour cette raison que nous avons développé la Golf sport en toute discrétion. Cependant lors des derniers essais, les instances dirigeantes de VW ont dû admettre que la GTI était un véhicule sûr et  »raisonnable » et qu’elle pouvait convenir à une certaine clientèle.

Ces critiques étaient positives ,mais alors pourquoi seulement 5000 exemplaires?

Car la Coccinelle sport fut aussi produite en série limitée.

Mais pourquoi aussi discrète extérieurement ?

Pour nous c’était très clair. Ce sera une auto sportive mais discrète et raffinée. Donc elle ne fut produite qu’en rouge et gris argent avec des bandes latérales et un habillage de hayon noirs. Seules les passages de roues et le liseré rouge de la calandre mettaient en évidence le caractère sportif de l’auto.

La GTI était nettement plus cher que la Golf GLS modèle haut de gamme.

Le tarif de de la GTI fut volontairement placé assez haut. Nous voulions cibler une clientèle qui n’allait pas nuire à la réputation de Volkswagen.

5000 exemplaires correspondaient à une production de 2 jours ce qui devait rassurer certains dirigeants qui avaient encore des doutes?

Mais le résultat est là: 270 000 GTI! La voiture nous a été littéralement arrachée des mains et finalement VW s’est réjoui de l’avoir commercialisé et du plaisir qu’elle procurait à ses clients.

 

Dr.Werner P. Schmidt

Le Dr.W.P. Schmidt était membre du directoire de VW de 1975 à1994 et directeur général des ventes. Le rôle qu’il a joué ne fut pas négligeable, au contraire. Aucun modèle n’échappait à sa sagacité et à son expertise. Il fut pratiquement le dernier à découvrir la Golf sport en 1975. Sans lui pas de commercialisation.

 

Dr. Schmidt comment avez-vous réagi, en tant que nouveau directeur des ventes, lorsque vous apprenez que A.Konrad fait partie d’un groupe qui travaille en secret sur une Golf ?

Peu avant mon déménagement à Wolfsburg Ferdinand Piech m’a emmené en Audi 80 quattro pour me monter le potentiel d’une quatre roues motrices car je n’y croyais pas trop. La montée du col  » Türracher Höhe  »fut épique. Avec des pneus été sur la neige il dépassait tout le monde. Je n’en croyais pas mes yeux. Il allait vite, même très vite. Que du plaisir! Cette expérience m’a permis d’aborder le projet de la Golf sport avec beaucoup de confiance et de sérénité d’autant plus que A.Konrad m’a bien fait comprendre que le projet était très sérieux et ne relevait pas du gadget.

Le moteur vous le connaissiez bien. Il faisait bonne figure dans l’Audi 80 GTE avec un châssis et des performances remarquables. Chez VW on ne connaissait pas ça.

Une voiture sportive à Wolfsburg? VW était connu pour fabriquer des voitures solides, fiables, classiques et discrètes. C’est pour cette raison que j’étais un peu réticent au début.

Comment les initiateurs de ce projet ont-ils réussi à vous convaincre?

C’est l’enthousiasme de ce groupe. Avec un tel enthousiasme vous ne pouvez que leur faire confiance.

Aussi facilement?

Si on m’avait présenté le projet sur papier et de manière officielle je pense que je l’aurais refusé. Pour me convaincre A.Konrad avait fait preuve de beaucoup de diplomatie. Il m’a présenté la GTI en groupe restreint. Seul A.Konrad est intervenu. Les ingénieurs et les personnes du service marketing n’ont pas eu droit à la parole. Et il a été très convaincant.

Vous n’aviez aucun document officiel concernant ma voiture.

Non, aucun. J’ai conduit la GTI, sur la piste d’essai de Ehra-lissien, 3semaines après la présentation de A.Konrad.

Et alors, c’était comment?

J’ai commencé très prudemment. A.Konrad et ses acolytes étaient de la partie et m’encourageaient:  »Allez-y, pédale de droite à fond! » Je n’étais certes pas très rapide mais j’ai pu me faire une idée du châssis, de la tenue de route, des reprises et des accélérations.

Après ,vous étiez convaincu par le projet?

Pour moi il aurait été facile de le refuser. Sans mon accord pas de commercialisation. Mais, vous savez, rien ne remplace un essai de 30 minutes, même pas un dossier de 30 pages!

C’était très risqué de la part de ce groupe de présenter cette voiture à un tout nouveau directeur des ventes.

Ils étaient obligés de m’en faire part car ils voulaient la présenter au salon de Francfort à l’automne 75, même si sa mise au point était encore en cours.

Herbert Schuster

En avril 75 Schuster, avant sa prise de fonction chez VW, fut intégré dans l’équipe qui s’occupait de la mise au point de la GTI. Son objectif était de mettre au point un châssis adapté à la Golf sport. C’était un domaine où il excellait. Chez Audi, à Ingolstadt, il fut le responsable châssis de l’Audi 80 GTE dont le moteur à injection de 110cv allait être monté dans la GTI. Grâce à Schuster ce châssis allait convaincre les plus réticents.

Mr Schuster, vos collaborateurs affirment que vous avez un don pour rendre une voiture sportive confortable. C’est un des points forts de la GTI .

Vous savez une voiture de course doit être avant tout très rapide. Mais nous, nous voulions faire une auto dynamique qui procure beaucoup de plaisir et facilement contrôlable quand on en cherche les limites. Certaines voitures tu en perds le contrôle très rapidement mais pas la GTI qui reste très neutre.

Quelle Golf sport avez-vous trouvé lors de votre arrivée à Wolfsburg?

Celle de Löwenberg, très basse, avec une énorme sortie d’échappement,des carburateurs Weber double corps. Les gens étaient abasourdis quand elle démarrait. Il fallait faire quelque chose.

Avez-vous conduit les voitures de Löwenberg?

Oui et sur routes ouvertes!

Alors pouvait-on encore parler de confidentialité?

Des voitures modifiées il en existait beaucoup sur notre parking, donc personne ne faisait attention à moi. Avec Ferdinand Piech chef du service développement chez Audi et Anton Konrad responsable presse nous pensions que le moteur de l’Audi 80 GTE convenait parfaitement à la GTI. Nous l’avons monté dans une Golf standard et adapté le châssis à ce moteur de 110cv.

Comment avez-vous procédé?

Sur le train avant nous avons monté une barre stabilisatrice et des freins à disques ventilés avec des étriers plus grands. Ensuite le châssis a été pourvu de ressorts courts, moins 20 mm, avec des stabilisateurs. Le train arrière a aussi reçu une barre stabilisatrice. Cela offrait un bon compromis entre dynamisme et confort.

Ces transformations techniques sont très discrètes tout comme les modifications apportées à la carrosserie.

Oui. Nous voulions éviter le côté voiture frimeuse et faire une voiture sûre et désirable au coût de fabrication raisonnable. Finalement, grâce ce design sobre associé à des modifications techniques modérées, nous avons réussi à convaincre les plus sceptiques, ceux qui n’appréciaient guère les petites voitures puissantes.

A un certain moment avez-vous envisagé le montage d’un turbo?

Nous l’avions envisagé car il existait chez VW des prototypes qui fonctionnaient avec un turbo. Pour différentes raisons nous avons abandonné cette possibilité.

Quelles en étaient les raisons?

Le turbo avec son arrivée de puissance subite, contrairement au kjetronic, ne correspondait pas au caractère qu’on voulait donner à la GTI. En plus le kjetronic était très fiable et moins cher que le turbo.

Combien de temps a duré la mise au point de la GTI?

Un an à partir d’avril 75. Lors de sa présentation au salon de Francfort la voiture était encore en essais longues durées. Sa mise au point n’était pas terminée.

Vous pouvez retrouver l’original en allemand ICI