Alfons Löwenberg: mon autobiographie

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Avant d’aller chez VW, en 1972, Alfons Löwenberg a travaillé chez Opel. Il occupa la fonction d’ingénieur chargé des essais. Par la suite il fut le patron d’Opel Motorsport. Il était aussi pilote de rallye.

Voici un extrait de son livre: Von Opel Blitz bis Golf GTI. C’est le chapitre intitulé: ma troisième vie, consacrée à la Golf GTI.

En août 1972, une semaine avant les Jeux Olympiques, je me rendais à Münich avec Anton Konrad pour l’organisation du service presse de VW pour ces JO. Pendant le trajet nous discutions de l’intérêt, de l’utilité d’un pôle Motorsport pour un constructeur généraliste. Nous sommes arrivés à la conclusion que cela permettait des avancées technologiques et que c’était bon pour la publicité de la marque. La production en série était primordiale ainsi que le soutien qu’on devait apporter aux clients pratiquant le sport automobile.

Deux mois plus tard j’ai eu l’occasion de tester la future Golf, une version normale, en phase finale de développement en faisant des essais de nuit  » à fond la caisse ».La voiture m’a tellement impressionné que des souvenirs de mes expériences avec Opel Motorsport ont refait surface.

Donc j’ai longuement réfléchi à ce qu’on pouvait faire avec cette auto dans le domaine du sport automobile, et aussi comment la présenter pour intéresser, convaincre les dirigeants de VW.

En mars 1973 mon dossier était prêt. Il comprenait d’innombrables données pour démontrer que VW devait proposer à ses clients une version très sportive de la Golf. Avec cette Sport-Golf, VW pourrait proposer une auto à la fois rapide et abordable et qui devrait très bien se vendre. Elle utiliserait essentiellement des pièces de série mais aussi, en complément, des pièces spécifiques autorisées par la règlementation du sport automobile: une boîte 5 vitesses, un radiateur d’huile, des freins ventilés, des sièges baquets.

Le développement de la Sport-Golf a commencé, comme vous le savez, en très petit comité: quelques ingénieurs et quelques personnes du centre d’essais. Au début ces personnes avaient, sans consignes particulières, exploré différents domaines: moteurs plus ou moins puissants, jantes de largeurs différentes et châssis très typés sport.

Petit à petit ils ont créé une voiture au caractère très, très sportif.

Ces collaborateurs, ainsi que ceux du service presse (A.Konrad) pensaient que cela valait la peine d’être tenté mais en restant en comité restreint. Vous connaissez la suite de l’histoire. Après deux ans de négociations ardues, avec l’aide de Konrad le chef du service presse, de mon chef Hablitzel et du responsable marketing Schwittlinski l’autorisation de produire la Golf GTI nous fut accordée.

La Sport-Golf ‘’l’inspiratrice ». Pour en arriver là nous avons dû affronter des opposants très haut placés dans la sphère dirigeante de VW. On nous a fait des remarques du genre: une Golf avec 110cv et des bandes décoratives c’est une aberration. Rien que le nom de cette voiture fut une rude bataille. Moi j’ai proposé Golf TTS, en souvenir de la NSU Prinz, certains Golf TS, d’autres encore Golf GTS. Finalement en septembre 1975 sur le stand du salon de Francfort était exposée la Golf GTI.

Parmi mes collègues, hors comité restreint, certains étaient très critiques envers l’auto. Les jantes de 5,5 pouces ont engendré des discussions assez houleuses. Elles avaient pour effet de réduire le carrossage négatif et cela engendrait, d’après certains, un comportement malsain surtout au freinage

sur route bosselée ou en mauvais état. Lors d’une sortie dans la région de Wolfsburg, j’ai dû freiner violemment et donner un coup de volant à droite pour éviter un véhicule qui venait en face. Je me suis retrouvé sur le bas côté qui était sablonneux. Cela a eu pour conséquences que la voiture a brusquement dévié à droite et plus moyen de la contrôler. L’auto n’était pas montée en 5,5 pouces. De retour à l’usine, j’en ai fait part à mes collègues qui s’occupaient du châssis. Ils ont résolu le problème en montant des jantes plus larges mais il a encore fallu faire preuve de persévérance pour convaincre ceux qui étaient contre les 5,5 pouces.

Finalement cette Golf GTI était devenue une Sport-Golf très aboutie. A cette époque il n’existait pas de petite familiale de grande série pesant 840 kg et développant 110cv. Cette GTI balayait toutes les idées reçues, qui laissaient entendre qu’une traction avant ne pouvait être une sportive.

Bien avant que la GTI fut mise sur le marché, des pilotes amateurs ont transformé la Golf et le Scirocco de base en voitures de compétition en rabaissant le châssis, en élargissant les trains avant et arrière et en augmentant la puissance. Lors des compétitions officielles ils ont largement dominé la classe des 1600cc. C’est seulement 1 an après sa mise sur le marché que VW a mis en place la Scirocco-cup qui a remplacé le Formel-V-Europa .VW-Motorsport a vendu 50 Scirocco compétition au prix imbattable de 15 000 DM à des pilotes amateurs.

Ces véhicules étaient équipés d’un arceau Matter, de jantes alu ATS de 5,5X15, de Pirelli P7 et d’un siège baquet. Pour la course on pouvait remplacer l’échappement standard pour la route par un échappement sport réservé au circuit. Ce dernier aussi était livré avec le véhicule.

En 1976 les courses de Scirocco-cup se déroulaient dans le cadre du championnat d’Allemagne.Le vainqueur touchait 5000 DM par course, et le vainqueur du championnat 15000 DM. La première course fut gagné par Manfred Winkelhock.

Scirocco-cup En 1977 la Cup ne fut reconduite pas avec le Scirocco mais avec la Golf GTI. En tant qu’initiateur de la Sport-Golf, le sport automobile faisait partie de ma vie et pendant de nombreuses années j’ai eu la chance de participer au développement de VW-Motorsport et j’en fus même l’un des responsables.

Dans le sport auto la course à la puissance est constante. On en veut toujours plus. Les clients des voitures sportives en voulaient toujours plus. Un jour un concessionnaire Ferrari m’a raconté que beaucoup de véhicules de ses clients n’étaient plus en configuration d’origine. Châssis et moteur étaient modifiés. Pour la Golf et le Scirocco il en fut de même, et bien avant l’arrivée du 110cv injection. On augmentait la cylindrée, certains mettaient le vilebrequin du 4×4 Iltis, on modifiait la culasse et l’arbre à cames. Arrivé à un certain stade on ne pouvait plus rien faire, mais la demande de toujours plus de puissance était toujours là.

Certaines personnes se sont penchées sur ce problème pour répondre à ce besoin.Les préparateurs spécialisés VW comme Gerhard Oettinger en faisaient partie. Il était connu pour son  »Okrasa-double carburateur » de la Coccinelle. Mais maintenant c’était les VW refroidies par eau qui l’intéressaient. Comme il avait fait le tour du tuning classique, il s’est mis à construire des pièces très spécifiques comme la culasse 16 soupapes qui pouvait être montée sur un moteur de série comme celui de la Golf GTI. Les performances que prodiguait cette culasse 16s se sont très vite ébruitées, même à l’étranger.

C’est ainsi que VW France décida de commercialiser cette Golf GTI 16S. Le service des essais de VW se chargea de tester la fiabilité de ce moteur et les tests se sont avérés positifs. Les Français ont commandé 1500 GTI 16S qui, avant d’arriver à Paris, passaient par Friedrichsdorf chez Oettinger pour recevoir cette culasse 16 soupapes.

Parallèlement le service développement moteur de VW a été chargé d’étudier la possibilité de produire ce moteur. Cette étude a échoué pour des raisons de fabrication en grande série. Cependant, grâce à cela, un moteur 16S devenait une évidence car il fallait plus de puissance. Quatre ou cinq ans plus tard la Golf 2 en sera équipée.

Bien avant j’ai eu la possibilité d’essayer différents modèles avec des moteurs Oettinger et je m’amusais à énerver les conducteurs de GTI normales. En plus j’avais déjà différentes versions de la boîte 5. En fonction de la boîte que j’avais, je pouvais passer la 5ème alors que la GTI normale avait presque atteint sa vitesse maxi.

 

 

On pouvait aussi modifier la Jetta. Son grand coffre permettait d’emmener toute la famille en vacances. Avec un moteur Oettinger elle avançait vraiment bien. Elle avait des extensions d’ailes de GTI, des jantes 7×15 de Irmscher (préparateur Opel) des pneus 195/50R15V, des  »vindsplits » de l’Ascona 400 et le spoiler arrière de la Jetta Eco-Model. Je peux vous dire qu’elle ne passait pas inaperçue.

Cependant la voiture la plus amusante à conduire fut certainement un Scirocco 2ème génération amélioré. Il avait un moteur Oettinger 2000cc de 170cv. On dépassait aisément les 215 km/h. Le châssis lui aussi avait subi quelques modifications: ressorts courts et amortisseurs

plus durs.

 

Mes collègues metteurs au point de châssis avaient utilisé ce véhicule pour avoir des données pour différents réglages applicables aux autos légères à traction avant. Le Scirocco de 1000kg et 170cv s’y prêtait idéalement. L’objectif essentiel était d’augmenter le pouvoir de traction et d’adhérence du train avant, et aussi de réduire le sous-virage faisant ainsi oublier, lors d’une utilisation normale, que l’on conduisait une traction avant et cela sans nuire au confort. Ils y sont parvenus assez facilement: jantes de 7×15 avec des pneus de 195/50VR15, des ressorts spécifiques qui abaissaient un peu la garde au sol, des amortisseurs type rallye à l’avant et à l’arrière des amortisseurs presque identiques à ceux de série. On évitait ainsi l’effet balancement du train avant et les percussions du train arrière. Le véhicule avait ainsi un confort typé sport très agréable.

Pour revenir à la GTI normale, il était évident que beaucoup d’entre elles allaient être modifiées. On trouvait déjà facilement des jantes et des pneus larges chez les accessoiristes. C’est pour ça que nous avons monté des élargisseurs d’ailes en plastique. D’autres modifications ont vu le jour comme des spoilers avant et arrière. On découpait même les ailes pour monter des trains avant et arrière surdimensionnés. Ainsi la très discrète GTI était devenue une auto très tape à l’oeil. Avec une brochure intitulée:

 »modifications des voitures VW et Audi », publiée par le service clients de ces deux marques, les possibilités de transformation furent limitées par des homologations du constructeur et du TUV (contrôle technique et homologation, Drire).

Une auto rapide se devait aussi d’avoir un freinage à la hauteur de ses performances. J’avais donc proposé des freins à disques ventilés que l’on trouvait déjà en option sur l’Audi 80 GT. Après de longues, très longues discussions ma proposition fut acceptée. Vue la puissance du véhicule c’était tout juste suffisant. En compétition ces freins montraient rapidement leurs limites. Pour y pallier des études très ciblées furent entreprises. Les résultats se sont avérés médiocres car on s’est contenté de faire ces études sur des voitures de série. C’est lors des courses de Cup, sur le Norisring, que j’ai trouvé une solution à ce problème. Aucune autre course ne sollicitait autant les freins. A chaque tour, en l’espace d’une minute, on faisait deux gros freinages. On passait de la vitesse maxi à 50 km/h. J’ai donc fait mon  »Nürnberg-test » sur la piste d’essai d’Ehra. Accélération à fond pendant 30 secondes, suivie d’un freinage jusqu’à 50 km/h.

Dix fois de suite c’était déjà de trop pour les freins de série. Cela donnait à réfléchir. Avec le livre document de ATE sur les freins et mes observations sur des voitures de sport, je ne voyais qu’une seule solution: des freins plus grands. Comme les roues de 15 pouces commençaient à devenir une monte standard on pouvait monter des disques de 280 mm.

On trouvait ces pièces chez Audi sur la Quattro et la 200. Mes collègues du service développement freinage m’ont fourni ces disques mais adaptés à ma Golf avec pas de vis et entraxes modifiés. Pour la fixation des étriers j’ai fait fabriquer des pièces spéciales. Le résultat fut très satisfaisant.

Ces freins que j’ai aussi monté sur le Scirocco 170cv étaient très efficaces et endurants que ce soit pendant le  »Nurnberg-test » ou lors des essais au col du Grossglockner (dont la route pouvait être privatisée).

 

C’est avec la  »Rheila-Golf » de VW Motorsport qu’ils ont eu leur baptême du feu lors des rallyes comme le Monte-Carlo. D’autres applications, d’autres améliorations, testées par VW en compétition, ont été transférées sur les modèles de série. Ce fut le cas par exemple des cardans de transmission. Ces pièces qui apparemment ne posaient pas de problème, étaient très sollicitées lors des compétitions. Il y a eu beaucoup de casses.

 

On a vite compris que pour fiabiliser ces pièces, il fallait en augmenter le débattement vertical.

 

Dans mon cahier des charges concernant la Sport-Golf ce qui me tenait particulièrement à coeur c’était la boîte 5 vitesses. Pour la GTI je préconisais une boîte 5 vitesses avec, sur les 4 premiers rapports l’étagement de la boîte 4 et une 5ème qui permettait de rouler à 50 km/h.

Pour les Golf et les Scirocco de compétition, VW Motorsport livrait une boîte sport avec des rapports très courts. Cette boîte fut aussi développée et testée en catimini. La crise des années 70 allait nous donner un coup de pouce. Les dirigeants de VW voulaient absolument une diminution de la consommation et une réduction des gaz polluants. Donc il fallait une boîte 5 avec une 5ème économique. C’était la 4+E. Dans la foulée l’autorisation de monter en série la boite 5 de la GTI nous fut donnée.

Tout au début, en 76, la GTI avait été officiellement homologuée avec une boîte 4+E mais vendue avec une boîte 4. Je ne sais pas si des GTI avec boîte 4+E ont été commercialisées.

Pour la boîte 4+E de la Golf de base j’avais proposé une alternative que j’ai nommé B+3+E. B pour Berg (montagne +remorque),3 pour les vitesses normales et E pour une vitesse économique. La proposition était tellement inhabituelle que les tests sur autoroute, en montagne et en ville ne furent pas pris en considération. Ce fut aussi le cas aussi de la 3+E.

Souvent des propositions inhabituelles sont mises d’office à l’écart par les décideurs car ce qui compte pour eux c’est leur cahier des charges.

Des études et des réalisations parallèles, non officielles, se faisaient en dehors des heures de travail normales. Ces travaux étaient effectués par des collègues appartenant à des services différents. Ce fut le cas de la Sport-Golf et de la GTI. Pour cette dernière un moteur plus puissant, un châssis avec des jantes et des pneus larges furent proposés et finalement acceptés.

En route pour le Sri Lanka . Premier arrêt en Hongrie.

Dans l’entreprise et spécialement dans le service marketing, des collaborateurs souhaitaient des voitures plus sportives pour rajeunir l’image de la marque. C’est souvent par hasard que des collègues de services différents se retrouvent et se mobilisent pour un projet commun, comme ce fut le cas de la Golf GTI et plus tard pour la boîte 5 vitesses.

Mon plus long déplacement professionnel je le dois à la Golf GTI et à mes collaborateurs du service presse. Je leur en suis très reconnaissant.

A mi-parcours au Pakistan Jürgen Stratmann, rédacteur en chef à l’Adac Motorwelt, et moi sommes partis de Münich pour nous rendre à Colombo au Sri Lanka(Ceylan).

En trois semaines nous avons parcouru 14000 km. Arrivés à la frontière Iran-Pakistan nous n’avions effectué que la moitié du trajet. Nous avons traversé dix pays. A notre retour dans nos valises nous avions 1800 diapositives et 50 films couleur exploitables. Cela reste, même trente ans après, une aventure inoubliable.

Nous sommes enfin arrivés à Colombo, capital du Sri Lanka.

Alfons Löwenberg